« Je lance aujourd’hui un APPEL SOLENNEL aux parlementaires d’aujourd’hui et de demain : N’ABOLISSEZ-PAS NOS VIES ! Surtout pas celles des plus fragiles.
Vous ne vous rendez pas compte du désastre que provoque chez les personnes qui se débattent avec des vies difficiles votre soutien à l’euthanasie ou au suicide assisté comme des morts « libres, dignes et courageuses ».
Aurais-je manqué de dignité, de courage et de liberté en restant en vie, moi l’intouchable, cent pour cent dépendant de l’aide d’autrui pour vivre et donc participer à la société ?
Plus d’un quart de siècle de tétraplégie, marqué – j’ose le dire – par autant de joies que de douleurs réelles, m’a vacciné contre le piège du mot « liberté » :
- En toute liberté, après mon accident, quand je ne voyais pas de sens à cette vie de souffrance et d’immobilité, j’aurais exigé l’euthanasie si on me l’avait proposée.
- En toute liberté, j’aurais cédé à la désespérance, si je n’avais pas lu, dans le regard de mes soignants et de mes proches, un profond respect de ma vie, dans l’état lamentable dans lequel j’étais. Leur considération fut la lumière qui m’a convaincu que ma propre dignité était intacte. Ce sont eux – et tous ceux qui m’aiment – qui m’ont donné le goût de vivre.
En réalité, affirmer qu’au menu de la vie on pourrait « choisir sa mort » est une absurdité et une violence, de même qu’il est absurde et violent d’exiger d’un soignant qu’il transgresse l’interdit de tuer. Car c’est cet interdit qui limite sa toute-puissance, nous met sur un pied d’égalité, m’autorise à exister et, si j’en éprouve le besoin, à me plaindre sans craindre d’être poussé vers la sortie.
On nous dit : « C’est un droit qu’on vous propose ; il ne vous enlève rien. » Mais si ! Ce prétendu droit m’enlève ma dignité, et tôt ou tard, me désigne la porte. Ne voyez-vous pas la pression – pour ne pas dire l’oppression – qui monte quand une société rend éligibles à la mort les plus humiliés, les plus souffrants, les plus isolés, les plus défigurés, les moins résistants à la pitié des autres, et – certains le revendiquent déjà – les plus coûteux ?
Avec mes amis de “Soulager mais pas tuer”, je lance cet appel solennel : le moment est à prendre soin les uns des autres, à accompagner chacun, à soulager toute douleur, peine et souffrance, à retisser des liens de solidarité avec les personnes malades, dépendantes, isolées. Le moment est plus que jamais à soulager, pas à tuer. »